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jeudi, 04 juin 2009

Mode silencieux

"Tu me fais toujours la tête ?"

Ce qui rend vraiment vivant un quartier.

"Essaie de te rappeler, que disait-il, comment parlait-il, comment aime-t-il, aime-t-il, je m'énerve... Mais dis-moi, tu crois... Tu crois qu'il chantonne dans la rue quand il est heureux ou qu'il préfère sourire à la contrôleuse obèse et acnéique ?"

Dimanche, réveil. La tête enfarinée, je ne sais pas si je suis fatiguée ou remontée, lasse ou juste abimée par mon horloge interne jet-laguée. Les murs sont blancs, les rideaux sont blancs, lunettes dans le lit, tout est blanc ici, même les pets du locataire.
J'ai soif. Je me tire du lit, habillée comme la veille, je vérifie la monnaie dans la poche droite de mon jean, chausse mes tennis et descends les trois étages de cet immeuble bellevillois. Des chinois qui préparent des crêpes, une mamie qui sort son caniche abricot, une fille élancée et légère comme dans une pub pour Danone frappe à la porte d'un atelier qui restera fermée, trois bâtiments et puis s'en vont. Boulangerie. Deux pains au chocolat et quatre canettes de soda à l'orange et au citron. J'ai envie de sentir des billes de gaz rouler sur mes joues plutôt que celles du locataire, aussi tendre soit-il - je ne donnerai pas d'indications sur l'odeur qui se dégage de mes trois crottes à une heure d'intervalle chacune ce dimanche-là. Je paye, je souris en disant merci et au revoir. En traversant de nouveau les différentes cours, je repense à T., ce type embrassé dans les toilettes avec qui j'ai dansé sur La Foule sans musique sans les mains langues brûlantes langues liées langue de pute. Quand arrêterai-je d'oublier qui je suis, quand passerai-je une soirée sans crier, sans faire rire, sans être trop... Elle est où la fille maladivement timide que la mère traînait chez le psy de la famille pour lui rendre la voix ? Elle est où la petite fille modèle qui portait des collants sans les filer, portait le parfum de la patience, portait en elle ce qu'il fait bon éteindre à coup de yeux baissés et de poses discrètes ?

Un brunch et ça ira mieux, la poudre n'aura plus d'effet que sur une locomotion dynamique. C'est vrai qu'on trouve quelques accessoires sympas et pas chers chez les chinois du coin. Je reviendrai peut-être. Canal, soleil, souvenirs rue Dieu, brunch chez Prune. Putain, j'avais oublié à quel point un parking d'abrutis pouvait me rendre cynique un dimanche ciel bleu mouettes heureuses. La connasse en microshort à pois (pas le short le problème) qui après avoir attendu vingt minutes une table avec son pote homo et prouvé à tout le monde qu'un humain pouvait rendre un congénère végétarien par le hérissement de ses poils (l'autre sens est également bon pour le mec de quarante ans qui baise du veau, rendre un végétalien carnivore et/ou polygame), avoue discrètement à son pote qu'en fait, elle a quand même un peu honte. Honte de quoi ? D'être une grande gueule à étiquettes et palais sans fond ? La honte d'être moins sexy qu'une huître, bordel hier j'aurais rejoué un road trip movie sanguinaire rue Beaurepaire. Repère de cons ! Mais comment ai-je pu aimer appartenir à cette clique de clones ? Comment ai-je pu être aussi peu clairvoyante ? Comment ai-je pu adorer cette rue, ce café et ses habitués autrefois ? Parce que les cons n'étaient pas encore là, et que le matin le café crème chez Prune était aussi bon qu'un bain moussant avec tous ses meilleurs plans cul. Il n'y avait qu'un homme qui sentait bon le café et le discours intelligent hier midi, le serveur.

A ma gauche, ce couple entièrement vêtu de noir qui pense sincèrement que si les artistes ont de tout temps choisi la couleur du deuil pour leur vie sociale (qui sait, Karl porte peut-être des joggings rose Barbie à la J-Lo après avoir tartiné son corps de crème "je ne veux pas devenir flasque" en écoutant la dernière playlist que lui a conseillée cette vilaine trav de Carine), alors il faut faire pareil, même si le noir n'améliore pas vraiment l'esthétisme de votre cul large, même si vous êtes toujours aussi bidon en noir qu'en coquelicot et qu'aucune couleur n'aura jamais d'effet sur le charisme qui vous fait cruellement défaut tant dans votre métier que dans vos chiottes. Ah ouais, hier j'avais la rage, la rage de voir qu'autant de nanas peuvent choisir les mêmes sapes, toutes se croiser dans la même rue chaque matin et chaque soir et pas une sembler décider qu'il est temps d'écouter ses couleurs, ses mots, son souffle et non plus celui du voisin critique chez Vogue Italie. Le pire, c'est que là-bas, même la nana qui ose vraiment passe pour une fondue aux slogans peints à la bombe or AndréHomeDesign sur son tregging AA et son tandem Comptoir customisé par Mouloud après son régime de quinze mois grâce auquel il est devenu l'égérie de la marque 3615ELLAPLU, le fruit d'une collaboration audacieusement consensuelle en 2012 entre Yelle et Minitel Rose (c'est à cette époque j'ai par ailleurs porté plainte contre SFR pour abus de biens myspacesociaux.)

Pendant ce temps-là, Jen avait quitté la France, après avoué sur son blog qu'elle était la soeur de Kenny, fan de bondage et l'auteur d'un roman à l'eau de rose pour ménagères de plus de 36 ans, inconnues des services de police et abonnées aux rayons Epanouissement Personnel des magasins Fnac qu'elles adoraient parcourir pendant leur virée shopping éthique sauce Prisma Presse dans les différentes villes de province et d'Outre-Mer. Jen ne vendait pas à Paris. Celle qui crachait sur les provinciaux aimait encore plus s'endormir avec l'idée que son coussin en plume d'oie était leur cadeau à tous. Le jour où elle comprit qu'elle n'avait qu'une tête de turc à abattre, en l'espèce la sienne, elle prit le premier avion pour un pays sans copines décevantes, ni ex vivants, elle choisit Montréal. Elle avait toujours aimé tous ces sex-shops coincés entre Urban Outfitters et Au Coton, et puis ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas passé Noël sous la neige. Il était temps d'attaquer la ville qu'elle aimait le plus, il était temps d'enculer le grand amour.

Demain, je vous raconte Varsovie, le couple de réal-comédiens qui achète Libé à 9h13 au kiosque du métro Ménilmontant et le venin que j'ingurgite par litres en lisant les statuts de mes copines enceintes.

En pleine forme. J'aime personne sauf mon chien et mes amis grossiers et érudits. Ils sont peu nombreux heureusement. Je vous laisse les autres.

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photo Jean-François Jonvelle

podcast
(J'aimerais que tu me chantes Hurricane Jane un dimanche matin, qu'on glisse sur le parquet jusqu'au salon et que tu me prêtes ta jaguar pour  aller à mon cour de conduite)

(invite-moi à danser, culbutons la rétine, éclatons la lumière, allez viens, grouille, j'ai envie d'avoir la même chair de poule que la connasse de dimanche en te laissant écarter mon imprudence, viens je t'aime, quittons-nous avant lundi, vite vite et prends ta veste bleue elle te va terriblement bien... - et après promis j'arrête de draguer le lectorat masculin)

je viens de me relire et je me dis qu'il serait plus honnête de préciser que samedi dans la nuit un mec m'a vraiment saoulée, mais bon, cela n'empêche rien à ce que je pense des modasses et bobos du Canal, le Xeme j'aime plus trop, tout sonne faux je trouve, ennuyeux

Commentaires

ouai ouai ouai…

Mais pour le serveur de chez Prune, tout à fait d'accord avec toi, il rattrape tout! :p

Écrit par : Charl' | lundi, 22 septembre 2008

(putain je suis bourée, je me suis trompée de note) hum…

Écrit par : Charl' | mardi, 23 septembre 2008

ah putain ma Charl, tu me fais rire, c'est bon j'ai eu l'autre comm, pas de souci vas-y si tu veux demain
en même temps, à part les 15 kilos qui nous séparent, tout bien lu, je suis aussi conne que la nana à ma droite dimanche, bordel je déteste tout le monde faut vite que je reparte en vacances ! :)

Écrit par : Jen | mardi, 23 septembre 2008

Elle est où la petite fille modèle qui portait des collants sans les filer, portait le parfum de la patience, portait en elle ce qu'il fait bon éteindre à coup de yeux baissés et de poses discrètes ?
________
Wow. Attention, c'est beaustalgique comme la sueur des twisteurs...

Écrit par : Fuchs | mardi, 23 septembre 2008